Imaginez une forêt dense, enveloppée d’une brume matinale, traversée par le cri rauque d’un singe hurleur au loin. Toute proche, une rainette aux yeux rouges se faufile dans les feuilles luisantes, tandis qu’un paresseux poursuit lentement sa course sur les lianes. Bienvenue au Costa Rica, véritable sanctuaire de biodiversité, où une promenade matinale peut devenir une leçon de biologie grandeur nature.
Dans ce petit pays d’Amérique centrale, qui représente à peine 0,03 % de la surface terrestre, vit près de 6 % de la biodiversité mondiale. Une richesse que les Costariciens — ou Ticos, comme ils aiment à se faire appeler — protègent avec rigueur et fierté. Observer la faune sauvage ici, c’est bien plus qu’un loisir : c’est une immersion dans un écosystème où chaque espèce joue un rôle essentiel.
Un engagement national pour la protection de la faune
Depuis les années 1970, le Costa Rica a pris très tôt le virage de la conservation. Aujourd’hui, plus d’un quart de son territoire est classé en aires protégées — parcs nationaux, réserves naturelles, refuges de vie sauvage. Une politique volontaire qui lui vaut d’être salué comme l’un des modèles mondiaux d’écotourisme.
Cet engagement ne se limite pas aux institutions. Nombre de Costariciens travaillent en tant que guides locaux, gardes forestiers, biologistes ou au sein d’associations communautaires dédiées à la protection de la faune. Lors d’un voyage, il est toujours recommandé de faire appel à ces guides expérimentés, véritables passeurs de nature, qui connaissent les rythmes et les cachettes de chaque espèce. C’est aussi le meilleur moyen d’observer sans déranger.
Les incontournables de la faune costaricienne
Le Costa Rica abrite une diversité animale impressionnante. Du bleu électrique du morpho aux moustaches du singe capucin, chaque région dévoile une palette d’espèces fascinantes. Voici quelques animaux emblématiques que l’on peut y rencontrer :
- Le quetzal resplendissant – Symbole mythique des forêts nuageuses, ce splendide oiseau vert-émeraude à la traîne rouge se mérite. On peut l’apercevoir, avec un peu de patience, dans la réserve de Monteverde ou dans les hauteurs de San Gerardo de Dota, notamment entre mars et mai.
- Le paresseux – Il en existe deux espèces dans le pays : le paresseux à deux doigts et à trois doigts. Leurs allures indolentes et leur sourire énigmatique en font les stars des réseaux sociaux. On les trouve notamment dans les arbres de la péninsule de Nicoya et de la côte caraïbe.
- Le jaguar – Discret et majestueux, le plus grand félin des Amériques hante les jungles profondes du parc national de Corcovado. Sa présence, difficilement décelable, reste un indicateur clé de la bonne santé de l’écosystème.
- La rainette aux yeux rouges – Symbole du Costa Rica, cette petite grenouille arborant un costume tricolore est un bijou d’évolution. On la croise dans les forêts humides le long des côtes caraïbes, surtout après la tombée de la nuit.
- Les singes hurleurs – Leur cri guttural anime les forêts à l’aube. Faciles à repérer dans les arbres, surtout autour des plages du Pacifique ou dans le parc national de Manuel Antonio.
Observer dans le respect : l’art du « slow safari »
Au Costa Rica, l’observation animale n’est jamais une course. Il ne s’agit ni de traquer, ni de cocher des espèces sur une liste. Ici, on pratique une forme d’écotourisme lente, attentive, respectueuse. Les guides insistent souvent : « Camina despacio. Mira con atención ». C’est à dire : marche lentement, regarde attentivement.
Je me souviens de cette balade à l’orée du parc Tortuguero. Un matin d’août, alors que la lumière dorée filtrait à travers les feuillages, notre guide nous fit signe de nous arrêter. À quelques mètres, un iguane vert, parfaitement immobile, se fondait dans la végétation. Plus loin, un toucan à carène, son bec multicolore resplendissant sous les rayons, proférait son appel rauque en sautillant d’une branche à l’autre. Nous ne faisions pas que voir des animaux, nous entrions dans leur monde.
Cette patience, cette lenteur, permet aussi de mieux comprendre les interactions entre les espèces, d’observer les comportements — un singe qui épouille son congénère, une tortue qui creuse minutieusement pour pondre ses œufs, un colibri qui danse d’une fleur à l’autre.
Des lieux pour tous les curieux de nature
Le pays se prête à de nombreuses expériences, que l’on soit ornithologue amateur, photographe animalier ou simple promeneur curieux. Voici quelques régions particulièrement propices à l’observation :
- Le parc national de Corcovado : situé sur la péninsule d’Osa, il est considéré comme l’une des plus riches réserves de biodiversité au monde. On y trouve tapirs, jaguars, aras rouges, et une multitude d’amphibiens et insectes — à condition d’accepter les conditions parfois rudes du trek.
- Monteverde : sa forêt nuageuse offre une atmosphère onirique propice à l’observation de quetzals, de grenouilles nocturnes et de mammifères discrets comme l’ocelot.
- Tortuguero : sur la côte caraïbe, c’est le royaume des tortues marines. De juillet à octobre, les tortues vertes viennent y pondre sur la plage. L’accès se fait en bateau à travers une mosaïque de canaux où crocodiles et singes scellent le décor.
- La réserve de Caño Negro : peu connue, elle est un paradis pour les ornithologues. On y compte plus de 200 espèces d’oiseaux, ainsi que des caïmans et des singes écureuils.
Rencontres humaines et savoirs locaux
Au fil des marches et des navigations, ce sont aussi les voix des Ticos qui résonnent. Félix, garde forestier dans le parc de Cahuita depuis 25 ans, m’avait confié un après-midi : « On ne guide pas seulement pour montrer des animaux. On raconte leur histoire, et la nôtre avec. » En effet, nombre d’espèces sont liées à des traditions, des croyances, des savoirs transmis au fil des générations.
Dans les communautés bribri de la Cordillère de Talamanca, par exemple, le morpho bleu est vu comme un messager entre les mondes. Les enfants apprennent dès le plus jeune âge les rythmes de la nature, les liens entre pluie et migration, les arbres que les toucans préfèrent. Ces savoirs, parfois mis en péril par la déforestation ou les pressions économiques, retrouvent aujourd’hui leur place grâce à l’écotourisme communautaire.
Conseils pratiques pour une observation responsable
Observer la faune du Costa Rica peut se faire toute l’année, bien que certaines périodes soient plus favorables selon les espèces (par exemple, la saison des tortues entre juillet et octobre sur la côte caraïbe). Quelle que soit la saison, quelques précautions permettent de vivre l’expérience de manière responsable :
- Préférez des guides locaux certifiés : leur expertise est précieuse, et c’est aussi un moyen de soutenir l’économie locale.
- Utilisez des jumelles et évitez l’approche directe des animaux : garder ses distances préserve leur tranquillité et votre sécurité.
- Ne nourrissez jamais les animaux : cela perturbe leurs comportements naturels et peut les rendre dépendants.
- Respectez les sentiers balisés : pour protéger les habitats fragiles et éviter l’érosion.
- Préparez-vous à l’humidité : vêtements respirants, anti-moustiques biodégradables, étuis de protection pour l’électronique sont vos meilleurs alliés.
Le Costa Rica n’est pas un zoo à ciel ouvert. C’est un territoire vivant, dont les écosystèmes fonctionnent encore à l’ancienne, à leur manière et à leur rythme. L’observateur doit adapter sa posture : ouvrir les yeux, mais aussi les oreilles. Apprendre à voir autrement. Accepter de ne pas tout voir, et de s’émerveiller malgré tout.
Car ici, dans la moiteur des forêts primaires, ce ne sont pas toujours les plus gros ou les plus colorés qui fascinent. Parfois, une trace de jaguar sur un sentier, l’œil d’un caïman dans l’eau noire ou le chant d’un oiseau invisible suffisent à faire basculer une journée. À condition d’être là, pleinement, attentivement — au bon endroit et au bon moment.
