Un ciel envoûtant : les aurores boréales en Islande
Il suffit d’une nuit claire et d’un brin de patience. Là, au nord du monde, le ciel s’ouvre et danse. L’Islande, terre de feu et de glace, est aussi l’un des meilleurs théâtres naturels pour observer ce phénomène lumineux extraordinaire : les aurores boréales. Quelques jours sur cette île suffisent pour comprendre pourquoi tant de voyageurs y reviennent, fascinés non seulement par les paysages dramatiques, mais aussi par cette lumière vivante qui fend le ciel nocturne.
Mais si les photos et récits font rêver, vivre une aurore boréale ne s’improvise pas. Il faut comprendre, anticiper — et parfois, simplement attendre. Voici donc un guide basé sur une expérience de terrain, des échanges avec des guides islandais et des nuits passées à guetter ce miracle polaire.
Qu’est-ce qu’une aurore boréale ?
Avant de parler d’Islande, une brève plongée scientifique. Les aurores boréales – ou nordlys en norvégien – sont des phénomènes lumineux causés par des interactions entre les particules solaires et l’atmosphère terrestre. Lorsque les vents solaires rencontrent le champ magnétique de la Terre, ils excitent les molécules d’air, qui libèrent alors de l’énergie sous forme de lumière. Cette lumière dessine alors des voiles, des rubans, parfois des spirales, souvent vertes, parfois roses ou violettes selon la composition de l’atmosphère et l’altitude à laquelle se déroule le phénomène.
Vu ainsi, cela pourrait paraître très techno. En réalité, la voir de ses propres yeux, même une seule fois dans sa vie, suffit à comprendre pourquoi tant de légendes nordiques y ont vu une manifestation divine, un passage vers un autre monde.
Quand partir pour voir les aurores boréales en Islande ?
Il est très rare — voire impossible — de voir une aurore boréale en plein été islandais. Pour les contempler, il faut d’abord l’obscurité. De septembre à avril, les nuits sont longues, permettant aux aurores de se révéler. Les mois les plus propices sont souvent :
- Septembre et octobre : le début de l’automne mêle encore des températures clémentes et une activité solaire relativement stable.
- Février et mars : les jours s’allongent un peu, mais les nuits restent noires, idéales pour l’observation.
J’y ai passé une partie du mois de mars, et sur plusieurs nuits passées au nord d’Akureyri, deux seulement ont offert ce spectacle. Mais quelles nuits ! D’immenses draperies vertes dévalaient le ciel dans un silence presque irréel, comme une incantation visuelle dans le froid mordant.
Où voir les aurores boréales en Islande ?
Bonne nouvelle : on peut observer des aurores boréales presque partout en Islande, à condition de s’éloigner des lumières artificielles. Mieux vaut donc éviter Reykjavik, à moins que l’activité magnétique soit particulièrement intense, comme ce fut le cas en novembre 2023 où même la capitale s’est illuminée de vert et de rose pendant quelques heures.
Quelques zones particulièrement réputées :
- Le Cercle d’Or (Golden Circle) – Facilement accessible depuis Reykjavik, il suffit parfois de s’arrêter près du parc national de Þingvellir pour avoir une vue dégagée sur un ciel dansant.
- La région de Mývatn, dans le nord – Moins de pollution lumineuse, climat sec et paysages lunaires : c’est l’un des meilleurs endroits pour une observation prolongée.
- La péninsule de Snæfellsnes – Sauvage et photogénique, elle offre à la fois des points d’observation remarquables et une ambiance quasi mystique. Le mont Kirkjufell y apparaît régulièrement en arrière-plan des clichés stellaires les plus célèbres.
Un guide local m’a conseillé un fjord discret dans l’Est, loin des circuits touristiques. Il m’y a conduit par une route gelée. « Ici, les lumières arrivent souvent tard », m’a-t-il soufflé en allumant son thermos. Il avait raison : vers minuit, un halo diffuse est apparu à l’horizon, avant de se transformer en arche verte traversant la vallée. Une danse privée.
Comment maximiser ses chances d’observation ?
La nature reste la seule maîtresse du spectacle. Mais certaines astuces peuvent aider :
- Choisir une nuit sans nuages : même une aurore intense ne transperce pas les couches nuageuses. Consultez les satellites météo en temps réel ou l’application Vedur de l’office météorologique islandais, fiable et localement actualisée.
- Vérifier l’indice KP : Cet indice mesure l’activité géomagnétique. À partir de KP 3, les chances d’observer des aurores deviennent acceptables. Au-delà de 5, elles peuvent être visibles même au sud du pays.
- S’éloigner des sources lumineuses : Quelques kilomètres en voiture loin des villages suffisent souvent.
- Rester dehors plusieurs heures : Les aurores ne suivent pas les horaires humains. Armez-vous de patience, de couches thermiques épaisses et de chocolat chaud.
Conseil d’un photographe islandais rencontré à Húsavík : « Ne reste jamais trop longtemps au même endroit. Si le ciel s’éclaircit ailleurs, prends le volant. Parfois, il faut marcher, grimper, contourner un fjord. Mais ça vaut toujours le détour. »
Faut-il réserver une excursion guidée ?
Ce choix dépend avant tout de votre aisance avec la conduite sur routes enneigées et votre connaissance du terrain. Beaucoup d’Islandais proposent des excursions nocturnes à la recherche des aurores, souvent en petits groupes. Ces guides connaissent les microclimats des différentes vallées, utilisent les dernières données satellites et surtout : savent attendre. Leur connaissance du terrain est précieuse, et leur sens de l’hospitalité l’est tout autant.
Un soir, à bord d’un 4×4 trempé de givre, j’ai partagé une soupe chaude avec un ancien berger reconverti en guide. Il m’a raconté qu’autrefois, les aurores boréales étaient considérées comme des âmes voyageant entre les mondes. Aujourd’hui, elles attirent des milliers de visiteurs – mais dans le silence, elles semblent toujours appartenir au sacré.
Quelques conseils photographiques
Photographier les aurores n’est pas qu’un jeu de trépied et d’ISO. C’est aussi une course contre le froid, la buée, et l’épuisement. Voici les fondamentaux :
- Utilisez un appareil photo manuel (reflex ou hybride) avec objectif grand angle (f/2.8 ou plus lumineux).
- Réglez l’ISO entre 800 et 3200 selon la luminosité ambiante.
- Pose longue : de 5 à 30 secondes. Testez. Ajustez.
- Pensez à un trépied stable et une télécommande pour éviter le flou du déclenchement.
- N’oubliez pas de lever les yeux. Les images mentales sont parfois plus marquantes que celles de la carte mémoire.
Et si les aurores ne se montrent pas ?
C’est une possibilité. Même après plusieurs jours, elles peuvent rester invisibles. Mieux vaut ne pas faire reposer tout son voyage sur leur apparition. L’Islande reste stupéfiante sans elles : geysers, glaciers, plages de sable noir, sources chaudes dans le décor lunaire, chant des oiseaux migrateurs. Et qui sait ? La magie surgit souvent quand on ne l’attend plus.
Un soir, alors que j’abandonnais l’idée d’en voir, une lueur d’abord timide a commencé à s’étirer derrière les montagnes. Presque imperceptible. Puis, lentement, elle a pris forme, habillant le ciel d’un vert fluorescent. Une autre voiture est arrivée. On n’a pas parlé. Juste partagé un instant rare. L’aurore, cette fois, était pour nous.
