La revue des iles

Belle Ile en Mer Sarah Bernhardt : l’héritage d’une icône sur les côtes bretonnes

Belle Ile en Mer Sarah Bernhardt : l’héritage d’une icône sur les côtes bretonnes

Belle Ile en Mer Sarah Bernhardt : l’héritage d’une icône sur les côtes bretonnes

Sarah Bernhardt et Belle-Île : une rencontre fondatrice

On connaît Sarah Bernhardt, la « Divine », actrice prodige du XIXe siècle, muse de Victor Hugo, de Jean Cocteau, et l’une des toutes premières célébrités mondiales. On connaît moins son attachement profond à Belle-Île-en-Mer. Pourtant, c’est sur cette île bretonne battue par les vents que la tragédienne choisira de se retirer plusieurs mois par an pendant près de 30 ans, y construisant son refuge, en marge des mondanités parisiennes. Aujourd’hui encore, son empreinte marque les lieux, aussi bien dans la mémoire des habitants que dans le paysage.

Mon voyage à Belle-Île m’a menée sur les pas de cette femme libre au tempérament d’artiste et de pionnière. À travers les falaises de la Pointe des Poulains et les ruelles de Sauzon, son héritage résonne, discret mais puissant, dans cette nature grandiose qui l’a tant inspirée. Rencontre avec la légende, au détour des landes fleuries et des embruns salés.

Pourquoi Belle-Île ?

En 1894, Sarah Bernhardt découvre Belle-Île-en-Mer lors d’une tournée théâtrale à Lorient. Invitée à passer quelques jours sur l’île, elle est immédiatement conquise par la beauté âpre de la Pointe des Poulains, à l’extrême nord-ouest de Belle-Île. Loin des salons parisiens, elle trouve dans cette nature sauvage le contrepoint parfait à sa vie effervescente. Elle achète rapidement un ancien fort militaire en ruines qui surplombe l’océan, transformé en résidence secondaire selon ses désirs.

Son choix peut sembler surprenant : à la fin du XIXe siècle, Belle-Île n’est pas encore une destination prisée. Mais pour Sarah, c’est précisément cette authenticité, cette solitude, cette fraîcheur d’un lieu non domestiqué qui lui parlent. Elle aspire à une retraite, certes, mais pas une retraite mondaine : une immersion dans la puissance brute des éléments.

La Villa des Cinq Parties du Monde : un rêve d’artiste

Le fortin originel est vite jugé insuffisant, et Sarah Bernhardt fait construire plusieurs dépendances pour accueillir ses proches, ses domestiques, ses animaux et son atelier. Elle nomme l’ensemble la Villa des Cinq Parties du Monde, un clin d’œil à sa réputation d’actrice universelle. Le domaine comprend un théâtre privé, une serre, une maison pour son fils Maurice et même un enclos pour ses nombreux chiens et un guépard apprivoisé !

Le style ? Un mélange de simplicité rustique et d’excentricité toute personnelle. La comédienne dort dans un lit d’hôpital militaire, porte large cape noire et chapeau orné de plumes, écrit ses textes face à la mer dans un silence presque religieux… mais organise aussi des fêtes mémorables pour ses invités triés sur le volet – Coquelin, Louise Abbéma, ou encore Georges Clemenceau.

Ce qui frappe dans cette villa, encore aujourd’hui visitable, c’est l’équilibre entre rigueur militaire du fort et fantaisie créative de l’artiste. Elle y compose des pièces, y sculpte, y peint. Loin d’être un simple lieu de villégiature, Belle-Île devient pour elle un atelier et un sanctuaire.

Entre légende et mémoire insulaire

Les Bellilois de l’époque gardent des souvenirs contrastés de cette résidente illustre. On la craint un peu, avec son allure de grande dame excentrique, mais on l’admire aussi. Sarah joue un rôle discret mais réel dans la vie locale : elle fait réparer l’école, subventionne l’église, engage du personnel local, et laisse des pourboires généreux. Elle adopte un rythme de vie à part, mais s’intègre sans chercher à dominer, ce qui lui vaut le respect des insulaires.

Je me souviens d’un échange avec Mme Le Gall, octogénaire installée près du Palais, qui me confiait : « Ma grand-mère me racontait que Sarah Bernhardt parlait peu, mais quand elle passait sur la route en charrette, tout le monde s’arrêtait. C’était comme si le vent s’apaisait un instant, juste par respect. » Ces paroles illustrent bien la manière dont Sarah, à la fois distante et proche, a imprimé sa mémoire dans l’histoire locale.

Un parcours patrimonial sur ses traces

Depuis la réhabilitation du fortin par le Conservatoire du Littoral et sa réouverture au public en 2007, les visiteurs peuvent suivre les pas de la tragédienne à travers un parcours muséal sobre mais immersif. La visite commence par des panneaux explicatifs détaillés, illustrés de photographies et de documents d’époque. On y apprend qu’elle y a séjourné jusqu’en 1922, quelques mois avant sa mort.

Parmi les éléments marquants :

C’est un voyage dans le temps autant qu’une exploration littorale, où nature et mémoire se répondent.

Une source d’inspiration pour les artistes d’hier et d’aujourd’hui

Sarah Bernhardt ne fut pas seulement une actrice, mais une pionnière du tourisme culturel tel qu’on l’entend aujourd’hui : elle choisit un lieu pour l’inspirer, y vit en artiste, et y attire d’autres créateurs. Dans son sillage, de nombreux écrivains, peintres et photographes sont venus découvrir Belle-Île.

Claude Monet, peu après elle, trouve lui aussi la beauté sauvage de l’île fascinante. En 1886, il y peint une série de falaises près du port Goulphar, submergé par la lumière bretonne, confirmant ce que Sarah avait compris : Belle-Île n’est pas une île pittoresque, c’est une île sublime, rugueuse, indomptable.

Aujourd’hui encore, le musée Sarah Bernhardt organise des résidences d’artistes, perpétuant le lien entre création et contemplation que l’actrice avait instauré. On y croise photographes animaliers, auteurs en quête de silence, ou compagnies théâtrales venues comme en pèlerinage.

Visiter Belle-Île sur les pas de Sarah : conseils pratiques

Pour celles et ceux qui souhaitent redécouvrir Belle-Île à travers le prisme de Sarah Bernhardt, plusieurs éléments pratiques peuvent enrichir l’expérience :

Et pourquoi ne pas vous offrir un moment d’écriture ou de contemplation sur les mêmes rochers où Sarah s’asseyait, carnet à la main, regardant l’immensité de l’océan ?

Un héritage vivant

À Belle-Île, l’empreinte de Sarah Bernhardt persiste sans ostentation, comme une présence discrète mais indélébile. Ni monument écrasant, ni folklore touristique, mais un souvenir inscrit dans le sable, les rochers et les silences de l’île. En prenant le parti de l’authenticité, en respectant les lieux autant que leurs habitants, Sarah Bernhardt a contribué à façonner une relation harmonieuse entre patrimoine et nature, mémoire et création.

Il suffit de s’arrêter un instant, le vent dans les oreilles, face à l’Atlantique, pour sentir ce que Sarah a trouvé ici : la liberté. Une liberté qui continue aujourd’hui d’inspirer celles et ceux qui posent leur valise sur ces terres battues par les vagues, entre ciel vaste et lande odorante.

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