La revue des iles

Islande fjord : exploration des paysages sauvages du nord de l’île

Islande fjord : exploration des paysages sauvages du nord de l’île

Islande fjord : exploration des paysages sauvages du nord de l’île

Il y a des lieux qui semblent résister farouchement à toute domestication touristique, et les fjords du nord de l’Islande en font assurément partie. Loin de la fréquentation croissante du Cercle d’Or ou de la côte sud, ces vallées profondes et sauvages, sabrées dans les falaises par les glaciers depuis des millénaires, offrent une immersion brute dans une Islande rurale, âpre et splendide. J’y ai passé dix jours à l’été 2023, sillonnant pistes et hameaux, parlant avec pêcheurs, artistes et bergers. Voici un retour d’expérience ancré, je l’espère, dans ce territoire hors du temps.

Un relief sculpté par la glace

Les fjords du nord, notamment ceux situés entre Dalvík et Húsavík, se démarquent par une géographie spectaculaire : montagnes abruptes, baies tranquilles et vallées suspendues s’entrelacent dans un entrelacs de roches et de mer. Cette topographie singulière est le fruit de la dernière glaciation qui s’est achevée il y a environ 10 000 ans, laissant derrière elle des entailles profondes dans la croûte basaltique. Chaque fjord – comme Eyjafjörður, Skjálfandi ou encore le méconnu Mjóifjörður – raconte cette histoire géologique, visible à l’œil nu dans les strates rocheuses et les blocs erratiques semés dans les prairies.

À pied, en voiture ou en bateau, ces paysages ne se laissent pas apprivoiser facilement. Certaines pistes secondaires sont encore de simples routes de gravier, impraticables une bonne partie de l’année. Prévoir un véhicule 4×4 (véritablement, pas à transmission partielle) est donc essentiel si vous souhaitez accéder aux zones les plus reculées sans encombre ni stress.

Siglufjörður : mémoire d’un empire du hareng

Perdue à l’extrémité nord de la péninsule de Tröllaskagi, Siglufjörður m’a accueillie sous une pluie fine de juillet. Ce port charmant, coincé entre mer et montagne, fut l’un des centres névralgiques de l’industrie de la pêche au hareng au XXe siècle. On l’appelait autrefois « le Klondike islandais » tant l’activité y était foisonnante. Aujourd’hui, l’extraction a cédé la place à l’interprétation : le Herring Era Museum, installé dans plusieurs entrepôts rénovés, propose une scénographie captivante, mêlant équipements d’époque, photographies d’archives et témoignages vivants recueillis auprès d’anciens travailleurs.

Ce jour-là, j’ai passé plus de deux heures avec Ragnhildur, une guide native du coin, dont les grands-parents ont connu l’effervescence de ces années fastes. “On n’avait pas conscience de la surexploitation”, m’a-t-elle confié, “on survivait, on pêchait, on vendait. Et puis, un matin, il n’y avait plus rien.” Le récit est sobre, triste même, mais il résonne avec les bouleversements contemporains que vit le monde maritime.

Akureyri, capitale tranquille du Nord

Située au fond du fjord Eyjafjörður, Akureyri est souvent qualifiée de “capitale du nord”, un qualificatif qui fait sourire les habitants eux-mêmes. Avec ses 20 000 âmes, la ville incarne un équilibre rare entre dynamisme local et culture du silence. C’est ici que j’ai rencontré Brynjar, un jeune chef passionné, au restaurant Strikið, qui m’a parlé d’une nouvelle vague de cuisine islandaise centrée sur des produits oubliés. Lichen, agneau des hautes terres, herbes de fjord : chaque plat devient une géopoétique du territoire.

Pour qui veut comprendre le rythme de vie dans ces latitudes, une promenade à pas lents le long du port, suivie d’une halte à la bibliothèque municipale, offre un aperçu fidèle du quotidien. Ici, les gens prennent le temps. Et ce temps, c’est aussi celui qu’on retrouve dans les panoramas alentour : routes vides, fermes isolées, troupeaux de moutons cabotant entre les mousses épaisses.

Observation des baleines à Húsavík : entre science et émotion

Impossible d’évoquer les fjords du nord sans parler d’Húsavík, modeste port de pêche devenu épicentre de l’observation des cétacés en Islande. Situé sur la baie de Skjálfandi, ce village de 2 500 habitants voit sa population tripler durant l’été, portée par un tourisme naturaliste qui cherche encore un équilibre entre respect de l’environnement et curiosité humaine.

Je suis partie tôt un matin sur l’un des vieux bateaux en bois de la compagnie North Sailing, pionnière en matière d’écotourisme. Le capitaine Ólafur, la soixantaine fière, m’a confié : “Ici, on ne fait pas de safari. Ce sont elles qui décident.” Trois heures durant, nous avons vu deux rorquals communs et un groupe de dauphins sauteurs, mais aussi de nombreux oiseaux marins : fulmars, mouettes tridactyles, macareux. Chaque rencontre a déclenché des frissons – non de surprise, mais de gratitude.

Ásbyrgi et les échos de la mythologie nordique

À l’intérieur des terres, au nord du parc national du Vatnajökull, s’ouvre un canyon en forme de fer à cheval : Ásbyrgi. Selon la légende, ce serait l’empreinte laissée par Sleipnir, le cheval à huit jambes d’Odin, dieu suprême de la mythologie nordique. Plus rationnellement, il s’agit d’une formation glaciaire et fluviale impressionnante, longue de 3,5 kilomètres, bordée de parois verticales abritant une forêt de bouleaux et de saules nains.

La marche jusqu’à Botnstjörn – un petit étang blotti au pied des falaises – laisse un souvenir poignant. Le silence y est presque total, troublé seulement par le bruit d’un vent doux dans les feuillages. Ce lieu, m’a expliqué une ranger du parc, “est considéré par certains Islandais comme sacré, parce qu’il absorbe les bruits et les pensées. Il vous remplit comme un poème.”

Conseils pratiques pour explorer les fjords du nord

Voyager dans cette région exige une certaine préparation. Voici quelques recommandations fondées sur mon séjour, ainsi que les conseils reçus sur place :

Entre fjords et humains : une autre Islande

Il serait réducteur de ne louer ici que les beautés naturelles, aussi grandioses soient-elles. Ce qui m’a le plus marquée dans les fjords du nord, ce sont les histoires humaines. Le récit de Hulda, fermière solitaire de la vallée de Hörgárdalur, qui vit avec ses chiens et ses brebis à plus de 40 minutes du premier commerce. Les sculptures de marbre noir de Gunnar, installées face à la mer à Ólafsfjörður. Ou encore ces cafés tenus par des étudiants revenus s’installer après leurs études à Reykjavik, par choix délibéré de vivre au rythme de l’arctique.

Loin des clichés de l’Islande carte postale, cette région nous rappelle avec humilité qu’un tourisme respectueux est aussi une façon d’écouter les lieux. Rien n’y crie, rien n’y presse – tout invite à ralentir. Et peut-être est-ce cela, justement, l’expérience la plus précieuse que les fjords du Nord puissent offrir : une leçon de lenteur ancrée dans la roche, le vent et le silence.

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