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Montagne percée moorea : randonnée exceptionnelle au cœur de la nature

Montagne percée moorea : randonnée exceptionnelle au cœur de la nature

Montagne percée moorea : randonnée exceptionnelle au cœur de la nature

Un géant de pierre au cœur du Pacifique

À Moorea, l’île sœur de Tahiti, un relief spectaculaire sculpte l’horizon et l’imaginaire : la Montagne Percée, ou Mou’a Puta en reo tahiti. Visible dès l’arrivée en ferry depuis Papeete, sa silhouette massive transpercée d’un trou énorme attire irrésistiblement le regard. Mais au-delà de son aspect graphique, la Montagne Percée offre une randonnée exigeante, récompensée par des panoramas exceptionnels et une immersion rare dans une nature luxuriante, encore largement protégée.

Partir à l’assaut de la Montagne Percée, c’est s’engager sur les traces de légendes polynésiennes, traverser des forêts primaires et prendre de la hauteur sur une île où l’océan n’est jamais bien loin. C’est aussi accepter l’effort, car la randonnée n’est pas à la portée de tous. Pourtant, pour qui aime se sentir petit face à la majesté des sommets, la récompense est de taille.

Une silhouette mythique chargée de mana

La Montagne Percée se dresse fièrement sur les hauteurs de Paopao, dans la partie nord-est de Moorea. Ce pic basaltique haut de plus de 800 mètres est reconnaissable entre tous grâce à la cavité spectaculaire qui le transperce au sommet, comme une fenêtre ouverte dans la roche noire. D’un point de vue géologique, cette perforation est le fruit d’une érosion millénaire conjuguée à des faiblesses structurales du volcan. Mais du côté des anciens, l’origine est tout autre.

Selon une légende transmise par les anciens, les dieux auraient lancé une lance si puissante qu’elle serait venue percer le sommet de la montagne. Ce trou serait alors une preuve de la puissance divine, et la montagne, considérée comme « tapu » (sacrée), n’est pas grimée à la légère. Le mana, cette énergie spirituelle présente dans tout ce qui entoure les Polynésiens, y est fort. Avant même de s’équiper, mieux vaut prendre un moment pour apprécier cette dimension immatérielle, dans le respect des croyances locales.

Préparer la randonnée : prudence et patience

La randonnée de la Montagne Percée n’est pas une balade dominicale. Il s’agit d’un parcours sauvage, peu balisé, qui requiert une bonne condition physique, un équipement adapté et idéalement, l’accompagnement d’un guide. En effet, certaines portions du sentier sont raides, rocailleuses et glissantes. Par temps de pluie, elles deviennent littéralement impraticables.

Voici quelques conseils pour randonner en toute sécurité :

La montée débute dans la vallée verdoyante de Paopao, entourée par une végétation tropicale dense. On y croise des manguiers, des goyaviers sauvages, des fougères arborescentes, et si l’on est attentif, quelques oiseaux endémiques comme le ‘ōmama’o (le moineau gris de Moorea).

Le sentier, entre forêt luxuriante et falaises abruptes

Les premiers kilomètres alternent entre montées progressives et passages plus abrupts. À mesure que l’on grimpe, la forêt change de visage. Les grands arbres laissent peu à peu place à une végétation plus basse, avec des points de vue spectaculaires sur la baie de Cook et la baie d’Opunohu. Par temps clair, le bleu du lagon contraste avec les verts profonds de la canopée, offrant un tableau saisissant.

Il y a environ une heure de marche avant d’atteindre un premier replat naturel, souvent utilisé comme point de repos. C’est là qu’un guide local, Temoana, m’a raconté : « Quand j’étais petit, on dit qu’un vieux pêcheur montait ici chaque dimanche pour saluer les esprits de la montagne. Il venait avec des fleurs, qu’il déposait au pied d’un rocher fendu. » Un geste symbolique qui traduit bien la relation intime qu’entretiennent les Mooreaniens avec leur environnement.

La dernière portion du sentier, la plus technique, nécessite parfois l’usage des mains. Des cordes, laissées par des guides ou des randonneurs habitués, aident à franchir certains passages verticaux. Ce segment exige attention, calme et respect du rythme de chacun. Une glissade ici, et la chute peut être grave.

Une fois là-haut : quand l’effort laisse place à l’émerveillement

Atteindre le sommet ne donne pas accès au trou central – jugé instable et dangereux. En revanche, les plateaux situés juste sous la cavité offrent un panorama inouï : à l’est, la mer scintille jusqu’à Tahiti, à l’ouest, c’est toute la crête centrale de Moorea qui s’étale, majestueuse. Le vent y souffle fort, porteur d’embruns invisibles et d’un sentiment de liberté absolue.

On s’assied, on respire. On oublie, un instant, les cuisses en feu et les mollets tirés. On regarde les nuages jouer avec les pics voisins – le Mou’a Roa, le Mont Rotui – et on comprend un peu mieux pourquoi Moorea, vue du ciel, ressemble à un trèfle à quatre feuilles. La montagne, ici, est bien plus qu’un relief : elle est la mémoire et la colonne vertébrale de l’île.

Rencontrer les gardiens des lieux

Randonnée ne rime pas toujours avec solitude. À Moorea, elle se conjugue souvent avec rencontre. Certains habitants participent encore activement à la transmission des savoirs anciens liés à la montagne. J’ai notamment échangé avec Tiare, une jeune femme qui propose des ateliers de plantes médicinales en partenariat avec les guides de randonnée.

« On monte parfois avec les visiteurs jusqu’à un petit plateau herbeux, à mi-pente, et là on parle de ce que les anciens utilisaient pour soigner : la nono pour le foie, le mape pour les douleurs articulaires. Tout vient d’ici. La montagne te donne ce dont tu as besoin, si tu viens avec respect. »

Ce genre d’échange donne une autre dimension à l’effort physique : celle de l’apprentissage, du lien entre l’homme et son environnement. Et ajoute une valeur inestimable à la simple « performance » sportive.

Patrimoine naturel et pression touristique

La Montagne Percée fait partie des paysages emblématiques de Moorea. Mais cette notoriété s’accompagne d’une fréquentation croissante, pas toujours bien encadrée. Des groupes de randonneurs mal préparés, une signalisation insuffisante, et parfois, des déchets laissés sur le sentier, menacent à terme son intégrité. Plusieurs associations locales militent pour une meilleure préservation et demandent que le site soit officiellement protégé.

À ce jour, il n’existe pas de réglementation stricte sur l’accès, bien que des appels à la responsabilité individuelle circulent régulièrement. Il est donc essentiel de se montrer exemplaire :

Pour certains habitants, la montagne ne s’apprivoise pas : elle se vit, elle se respecte. Et la meilleure façon de la remercier, c’est d’en repartir un peu plus conscient qu’avant.

Informations pratiques et recommandations

Pour ceux qui souhaitent entreprendre cette aventure, voici quelques éléments utiles :

Enfin, pour prolonger l’expérience, pourquoi ne pas faire une halte au marché de Maharepa ou d’Hauru au retour ? On y trouve des fruits frais, des vanilles locales et le célèbrissime poisson cru au lait de coco, qui semble encore meilleur lorsqu’on l’a bien mérité…

Sur Moorea, chaque pas dans les hauteurs est une invitation à mieux comprendre ce que la nature livre d’elle-même à ceux qui prennent le temps de l’écouter. La Montagne Percée, sentinelle immobile depuis des millénaires, continue d’enseigner à sa manière : par l’effort, par le silence, et par la beauté brute qui en émane.

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