La revue des iles

Saint Gilles la Réunion : découvrir le cœur balnéaire de l’île intense

Saint Gilles la Réunion : découvrir le cœur balnéaire de l’île intense

Saint Gilles la Réunion : découvrir le cœur balnéaire de l’île intense

Un littoral vibrant entre lagon et volcans

Perchée sur la côte ouest de La Réunion, Saint-Gilles-les-Bains est bien plus qu’une simple destination touristique : elle incarne l’âme balnéaire de l’île intense, où les récifs de corail tutoient les coulées de lave figées. Cette station pionnière du tourisme réunionnais conjugue plages, biodiversité marine, culture créole et commerce local avec une intensité tranquille. En arpentant ses rives et ses ruelles, on découvre un condensé de l’art de vivre insulaire, façonné par l’histoire coloniale, les brassages culturels et une nature spectaculaire.

Si Saint-Gilles attire chaque année des milliers de visiteurs, c’est bien pour sa douceur de vivre, ses paysages mouvants au fil des marées, et son ancrage dans une Réunion contemporaine, urbaine mais consciente de ses racines. En partant à la rencontre de ses habitants, guides scolaires ou pêcheurs du port, on bascule dans une mosaïque d’expériences bien réelles, loin des clichés de cartes postales.

Plages et lagon : une invitation permanente à ralentir

La première chose qui frappe à Saint-Gilles, c’est la générosité du littoral. Le lagon de l’Hermitage, étendu sur près de sept kilomètres, offre une baignade sécurisée grâce à la barrière de corail. Sous ces eaux turquoise, une myriade de poissons tropicaux — demoiselles, poissons-papillons, chirurgiens bleus — évoluent dans des coraux multicolores, témoignage fragile mais précieux d’un écosystème à protéger.

On y accède facilement à pied, depuis la plage — ombragée de filaos — ou en snorkeling. « Il suffit de quelques brassées pour se retrouver au cœur d’un aquarium naturel », me confie Julien, un biologiste marin rencontré lors d’un atelier pédagogique sur la biodiversité à la Maison du Lagon. Le lieu, ouvert au public, propose des expositions rigoureuses et accessibles sur les habitats côtiers.

Plus au nord, la plage des Roches Noires, adjacente au centre-ville, attire une clientèle plus jeune et sportive : bodyboard, paddle, beach volley… Le drapeau de baignade y flotte selon les conditions, rappelant les enjeux liés à la sécurité en mer que connaît encore l’île.

Le Port de plaisance : entre traditions navales et reconversion urbaine

Centre névralgique de Saint-Gilles, le port de plaisance est à la croisée des usages : pêche artisanale, départs en excursions vers le large, terrasses de restaurants et écoles de plongée. On y croise le va-et-vient des marins, les glacières à la main, et les familles curieuses venues saluer les tortues au retour des bateaux.

En discutant avec Christian, pêcheur depuis trois générations, j’apprends que la criée locale s’est transformée ces dernières années. « On vend moins à la sauvette qu’avant, mais la demande en poisson frais reste forte. Le samedi matin, tout le monde veut son espadon ou sa dorade coryphène… ». En effet, le marché de Saint-Paul voisin, classé parmi les plus beaux de France, reste l’un des meilleurs moyens de goûter à la fraîcheur des produits marins, issus en partie des apports de Saint-Gilles.

Des projets de réaménagement urbain ont récemment donné un nouveau visage au front de mer, notamment avec la création de zones piétonnes, de pistes cyclables et l’ouverture éphémère de lieux culturels comme le Kaz Maron. Cette vieille case créole transformée en micro-salle de théâtre propose des contes et musiques du monde, souvent en plein air, dans une ambiance chaleureuse et inclusive.

Le Marché de l’Hermitage : creuset de la culture réunionnaise

Tous les dimanches matin, dès six heures, le parking de l’ancienne école de l’Hermitage se transforme en village bigarré de stands parfumés. Bananiers, samoussas croustillants, huiles essentielles de géranium, vanille bourbon, bijoux en graines lontan… Le marché de l’Hermitage est le contrepoint vivant aux enseignes plus lissées de la galerie commerciale proche.

Loin de se limiter à son aspect pittoresque, il est un lieu de transmission : on y entend du créole, mais aussi du hindi, du malgache et du tamoul selon les commerçants. Mireille, artisane originaire de Saint-André, me montre ses tressages de vacoa tout en expliquant les gestes ancestraux appris de sa grand-mère. « Chaque feuille doit ‘chauffer’ au soleil pour être souple, sinon elle casse. » Ce type d’anecdote incarne les savoir-faire réunionnais, encore bien vivants mais en demande de reconnaissance et de valorisation.

Excursions d’un jour : entre forêt primaire et cétacés

Saint-Gilles est aussi un point de départ stratégique pour explorer l’île dans ses contrastes les plus saisissants. En moins de 30 minutes, on rejoint les premières hauteurs du Maïdo, belvédère mythique perché à plus de 2 000 mètres d’altitude. Le panorama sur le cirque naturel de Mafate, cirque inaccessible autrement qu’à pied ou en hélicoptère, est d’une pureté stupéfiante au lever du jour. La route des Tamarins grimpe entre forêt de cryptomérias et cultures maraîchères, racontant une autre Réunion, plus terrienne mais tout aussi intense.

Côté mer, plusieurs compagnies locales proposent des sorties en mer à la rencontre des dauphins et baleines (principalement de juin à octobre). Accompagnées d’observateurs agréés, ces excursions marient science et émotion. Nadège, guide-naturaliste pour Cétamada, rappelle : « On observe, sans déranger. Les cétacés ne sont pas là pour divertir, mais pour vivre. » Une approche responsable, encouragée au niveau régional, qui participe à la sensibilisation sur la fragilité des grands mammifères marins.

Patrimoines invisibles : fragments d’histoire coloniale

Même si Saint-Gilles se présente avant tout comme une ville balnéaire, son passé colonial n’est jamais loin. En s’éloignant légèrement du centre, le visiteur curieux pourra découvrir le cimetière marin, situé en surplomb de la plage. Certaines tombes, couvertes de coquillages, portent des noms d’anciens planteurs ou d’engagés indiens venus travailler après l’abolition de l’esclavage en 1848.

À quelques encablures, l’ancienne distillerie de Savanna, aujourd’hui reconvertie en résidence, conserve les vestiges d’un passé sucrier et industriel. Peu indiquée, la bâtisse devient un lieu de promenade secret pour ceux qui aiment flâner là où l’histoire laisse ses traces muettes. Des initiatives citoyennes, comme les balades commentées de Lizie dan L’Océan Indien, permettent d’interroger ces mémoires souvent invisibilisées, mais ô combien structurantes pour comprendre l’architecture sociale de la Réunion contemporaine.

Gastronomie sur le littoral : le carrefour des goûts

En matière culinaire aussi, Saint-Gilles révèle une identité dense, joyeusement métissée. Sur le front de mer comme dans les quartiers en surplomb, de Boucan Canot à Mont Roquefeuil, on mange bien et varié. Que l’on opte pour un carry au feu de bois dans un container réaménagé, un bol renversé asiatique ou un ceviche revisité par un chef réunionnais, l’expérience est toujours sensorielle.

Parmi les adresses à recommander, Chez Rosa, petite gargote prisonnière entre deux hôtels, propose des plats maison à base de poisson frais, manioc râpé et lait de coco parfumé. On y mange sur une terrasse en palettes recyclées, face au coucher de soleil, en écoutant du maloya en fond. Si l’île toute entière est une aventure gustative, Saint-Gilles en est l’un des carrefours les plus vivants, à la croisée des mondes indiens, africains, chinois, sans oublier l’héritage européen créolisé.

Vivre Saint-Gilles autrement

Pour le visiteur en quête d’authenticité, Saint-Gilles offre des alternatives aux parcours balisés. Participer à une sortie de pêche traditionnelle avec un capitaine local, s’initier au tressage dans une case communautaire, dormir dans une chambre d’hôtes tenue par une famille créole… autant d’expériences qui permettent de sortir des chemins convenus, et d’entrer véritablement en relation avec l’île.

La région souffre encore parfois d’une image de « station balnéaire pour touristes métros », mais la réalité est plus nuancée. Saint-Gilles, comme le reste de l’île, est un territoire vivant, traversé par des tensions sociales, des transformations économiques, mais aussi une vitalité culturelle rare et une volonté d’aller vers un tourisme plus raisonné.

Il ne suffit pas de venir, il faut prendre le temps de regarder, d’écouter. C’est là que Saint-Gilles se révèle : dans ses silences entre deux vagues, dans la parole d’un ancien qui raconte une éruption oubliée, dans l’accent chantant d’une commerçante qui vous tend un fruit à goûter. L’île intense mérite mieux que des regards pressés ; elle appelle à l’attention vraie, celle qui fait du voyage un acte de rencontre.

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