Roadtrip corse du sud : plages secrètes et villages de caractère à découvrir

Roadtrip corse du sud : plages secrètes et villages de caractère à découvrir

Escapade insulaire entre mer et montagne

Parcourir la Corse du Sud en voiture, c’est accepter de ralentir. Non pas en raison de ses routes sinueuses, mais parce que chaque virage semble ouvrir sur un tableau vivant : une crique turquoise, un village perché, une forêt dense effleurant la mer. Ce roadtrip insulaire ne se mesure pas en kilomètres, mais en instants suspendus, arrachés au tumulte de la vie quotidienne. J’ai pris la route au printemps, saison idéale pour échapper à l’affluence estivale et profiter d’une lumière douce, presque cinématographique.

Départ à Ajaccio : entre héritage et gourmandise

Tout commence à Ajaccio, ville natale de Napoléon, où les volets colorés racontent encore des siècles d’histoire. Flâner dans le marché de la place Foch, c’est une immersion immédiate dans les saveurs corses : lonzu, brocciu, confiture de figue ou encore canistrelli y remplissent les paniers d’habitués et de curieux. Une vendeuse m’offre une tranche de prisuttu — « Il vient de Murato, goûté-le, c’est de la vraie charcuterie corse ! ». Le ton est donné.

Avant de prendre la route, je recommande une halte au musée Fesch pour apprécier la richesse artistique de la ville, puis une promenade en fin de journée sur la route des Sanguinaires. À l’heure dorée, la roche se teinte d’ocre, les oiseaux de mer dessinent des arabesques au-dessus du golfe. La Corse sait poser le décor.

Cap vers les plages secrètes de la côte ouest

En quittant Ajaccio vers le sud, la T40 serpente à travers le maquis, composant un itinéraire sauvage et sinueux. La première halte que je vous recommande : la plage d’Argent, près de Coti-Chiavari. Accessible après quelques minutes de piste, elle s’offre déserte ce jour-là, frangée de pins parasols et bordée d’un sable immaculé. Le nom n’est pas usurpé : au soleil, tout scintille.

Plus bas, la crique de Cupabia révèle une autre ambiance. Entourée de collines, elle épouse une géographie plus intime. J’y croise une vieille dame, panier à la main : « Je viens ici depuis cinquante ans. Il y a peu de touristes avant juin. En mai, c’est une plage pour les villageois… et les goélands. » Respect. Je m’éloigne, et laisse la Méditerranée faire son œuvre.

Filitosa, mémoire de pierre et d’hommes

À quelques kilomètres de la côte, un site archéologique rompt avec le décor balnéaire. Filitosa, territoire des mystérieuses statues-menhirs, est une étape incontournable pour qui souhaite comprendre les racines multiples de la Corse. Entre les oliviers millénaires, des silhouettes de granite armées d’épées et de poignards scrutent l’horizon. Le silence y est impressionnant, presque sacré.

Guidée par Antoine, gardien du site depuis plus de vingt ans, j’apprends que ces figures datent de 1500 av. J.-C. : « On ne sait pas tout, mais leur position, leur regard, leur nombre… tout ici invite au respect. » Un instant suspendu, une plongée dans un temps que l’île garde jalousement.

Les villages de l’Alta Rocca : une autre Corse

En quittant les plages pour l’intérieur des terres, je découvre une Corse plus rugueuse, plus authentique aussi. Depuis Propriano, j’emprunte les lacets vers l’Alta Rocca, région montagneuse qui abrite quelques-uns des plus beaux villages de l’île. Zonza, Levie, Quenza… Chacun semble planté comme une sentinelle sur le versant des montagnes.

À Levie, je m’arrête chez Pierre, berger et producteur de fromage fermier. « Du niulincu, tu peux pas faire plus local ! », lance-t-il en me tendant une tranche crémeuse. Les brebis paissent à quelques mètres de la laiterie. Conversation sur les saisons, sur la transmission du savoir, sur la vie qui change dans les hauteurs mais tient bon.

Je poursuis jusqu’à Zonza, village de granit où les maisons s’agrippent à la pente. Ici, les cafés de la place sont des observatoires privilégiés pour comprendre le rythme des montagnards : flegmatique, toujours digne. Non loin, les aiguilles de Bavella s’élèvent, majestueuses. Un décor presque alpin, ciselé par les vents.

Bonifacio : la cité suspendue

En redescendant vers l’extrême sud, Bonifacio se dévoile comme une forteresse posée sur une falaise, défiant le vent et la mer. S’y rendre par la route offre des panoramas spectaculaires. En arrivant de Sartène — que je vous conseille aussi, tant pour son caractère que sa charcuterie artisanale — Bonifacio s’annonce en courbes serrées avant de soudain s’offrir au regard.

La Haute Ville, accessible uniquement à pied, invite à la déambulation. Escaliers escarpés, maisons blanchies, ruelles pavées débordant d’histoire… Je suis accueillie par Lucie, guide bénévole à l’association du patrimoine local. Elle m’ouvre les portes de l’église Sainte-Marie-Majeure : « Construite au XIIe siècle par les Pisans. Notez le mélange roman-gothique… Et regardez cette colonne, elle a été déplacée lors du siège de 1420. » Bonifacio ne se contente pas d’impressionner, elle transmet.

Piantarella et les plages du bout du monde

À quelques kilomètres de Bonifacio, les plages de Piantarella, Petit Sperone et Grand Sperone rivalisent de transparence. Le sable y est si blanc qu’on croirait à un mirage. Hors saison, on croise plus souvent des pêcheurs à pied que des touristes. Un chemin côtier relie les différentes plages, que je parcours pieds nus, les sandalettes à la main.

Mon coup de cœur : la plage de Petit Sperone, accessible uniquement à pied. En chemin, deux chèvres croisent ma route, indifférentes. En contrebas, trois familles locales se partagent le rivage. Ce n’est pas une plage de carte postale — ou peut-être que si, mais sans le raffut. Un endroit à la douceur désarmante.

Hébergement et conseils pratiques

Voyager en Corse du Sud en voiture suppose quelques ajustements. Voici quelques conseils issus de mon expérience :

  • Voiture de location : Optez pour une petite voiture avec de bonnes suspensions : les routes sont souvent étroites et sinueuses.
  • Hors saison : Privilégiez le printemps ou l’automne. Les températures sont agréables, et vous éviterez l’afflux touristique.
  • Hébergement : Charmez-vous des chambres d’hôtes tenues par des insulaires. À Zonza comme à Bonifacio, l’accueil y est souvent plus chaleureux que dans les hôtels.
  • Respect : La Corse est belle mais fragile. Ramenez vos déchets, respectez le maquis, et restez silencieux dans les lieux sacrés comme Filitosa.

Enfin, demandez, discutez, échangez : les Corses ont le goût du verbe et du partage — à condition d’y venir avec respect. Ce roadtrip n’est pas une simple balade au soleil : c’est une invitation à comprendre une île fière, enracinée, et profondément attachée à sa mémoire.

La Corse du Sud se découvre par petites touches, par strates successives. Rien ne s’y dévoile d’un bloc, tout demande le regard lent du voyageur. En voiture, à pied, au détour d’un sentier ou d’une table d’hôte, elle s’offre dans un silence habité. Et toujours — toujours — les parfums du maquis dansent dans l’air, comme un rappel que, sur cette île, rien n’est vraiment oublié.