Snaefellsnes islande : terres mystérieuses entre volcans et légendes nordiques

Snaefellsnes islande : terres mystérieuses entre volcans et légendes nordiques

Un cap vers l’ouest : découverte de la péninsule de Snæfellsnes

Située à environ deux heures de route de Reykjavik, la péninsule de Snæfellsnes s’avance fièrement dans l’océan Atlantique Nord, comme un doigt de terre pointant vers les mystères du Grand Nord. Surnommée parfois « l’Islande en miniature » pour la diversité de ses paysages, elle reste pourtant en marge des itinéraires touristiques classiques. Une bénédiction pour celles et ceux qui recherchent à la fois le silence et le sacré dans la nature brute.

Au fil des routes sinueuses, entre montagnes noires et champs de lave, fjords tranquilles et plages dorées, Snæfellsnes offre un condensé d’Islande, mais avec une atmosphère toute particulière : silencieuse, dense, presque mythologique. Car ici, plus encore qu’ailleurs sur l’île, on ne peut ignorer l’étrange appel des forces invisibles.

Snæfellsjökull : un volcan, des légendes

Impossible de parler de Snæfellsnes sans évoquer son emblème majestueux : le Snæfellsjökull, volcan stratifié recouvert d’une calotte glaciaire. Haut de 1 446 mètres, il domine la péninsule depuis plus de 700 000 ans. Pour les Islandais, cette montagne est plus qu’un volcan : c’est un portique entre le monde visible et l’invisible.

Dans les traditions locales, le Snæfellsjökull est lié aux forces spirituelles — certains y perçoivent un point d’énergie de la Terre. Jules Verne l’immortalisa dans son Voyage au centre de la Terre : c’est par un cratère du Snæfellsjökull que ses héros descendent vers les entrailles du monde. D’autres écrivains plus contemporains, comme Halldór Laxness ou Sjón, puisent dans les décors de cette péninsule pour évoquer l’identité islandaise, portée par le mélange de grandeur naturelle et de mystère cosmique.

Le glacier, par temps clair, est visible depuis Reykjavik, mais sa véritable majesté se révèle lorsqu’on s’en approche. Lors d’un échange avec Katrín, une guide locale originaire de Grundarfjörður, cette dernière m’a raconté comment sa grand-mère refusait de regarder le volcan certains jours de l’année « parce qu’il voyait dans ton cœur ». Mythe ou simple superstition ? À Snæfellsnes, la frontière entre imaginaire et réel est délicieusement poreuse.

Villages en bord de mer : entre tradition et isolement

La route qui fait le tour de Snæfellsnes (la 54, puis la 574) longe plusieurs villages de pêche, parfois figés dans le silence et les vents. Arnarstapi et Hellnar, nichés au pied des falaises volcaniques, sont deux hameaux aux maisons colorées et toitures herbeuses. Ces villages furent autrefois des ports importants, aujourd’hui habités par une poignée de familles, mais toujours vivants grâce à une micro-économie saisonnière centrée sur la pêche, l’artisanat et l’écotourisme.

À Arnarstapi, on peut emprunter un sentier côtier jusqu’à Hellnar, moins d’une heure de marche entre mer bouillonnante, arches basaltiques et falaises colonisées par des sternes arctiques. En chemin, la sculpture de Bárður Snæfellsás, demi-troll devenu esprit protecteur du glacier, rappelle que la culture islandaise est intrinsèquement liée au folklore. Ce géant de pierre, œuvre de Ragnar Kjartansson, ancre le mythe dans la roche. Comme souvent en Islande, les contes ne servent pas à fuir le réel, mais à le nommer.

À proximité, le village d’Ólafsvík conserve l’atmosphère d’un petit port nordique, où le quotidien reste lié à la mer. Le café du musée local propose les gaufres les plus croustillantes goûtées lors de mon séjour, garnies de crème fraîche et de confiture de baies sauvages, préparées par une habitante âgée, Ása, qui m’a raconté ses premiers voyages en voiture cabine vers Reykjavik dans les années 50, défiant les tempêtes de neige.

Kirkjufell : la montagne emblématique (et photographiée)

Son profil triangulaire parfait l’a rendue célèbre bien au-delà des frontières islandaises. Kirkjufell, littéralement « montagne de l’église », est sans doute la plus photographiée du pays. Située près de Grundarfjörður, elle se dresse à 463 mètres, isolée au bord de la mer, formant un contraste saisissant avec les cascades de Kirkjufellsfoss.

Mais au-delà de son esthétique instagrammable, Kirkjufell est un point d’observation fascinant pour qui prend le temps. Sa forme, découpée en strates géologiques, rappelle l’histoire tumultueuse de la région, faite d’éruptions, de calottes glaciaires et de soulèvements tectoniques. Pour les plus curieux, une randonnée escarpée (et réservée aux randonneurs expérimentés accompagnés d’un guide) permet d’atteindre le sommet, offrant une vue à 360 degrés sur la baie, les fjords et les plateaux volcaniques.

Comme souvent en Islande, la beauté ne se limite pas à l’apparence : ici, les formes racontent une histoire, celles du temps et des mutations, gravée dans la pierre.

Entre terres de lave et plages dorées

Si l’on devait résumer Snæfellsnes en un contraste, ce serait celui de la pierre contre le sable. Au sud de la péninsule, les champs de lave de Berserkjahraun (littéralement « lave des Berserkers ») s’étendent sur des kilomètres. Cette coulée volcanique d’un noir intense date de plus de 4 000 ans, et son nom dérive d’une saga nordique où deux guerriers berserkers auraient été tués ici. Une randonnée au lever du soleil, entre les mousses fluorescentes accrochées au basalte, crée une atmosphère surréelle, presque lunaire.

Plus à l’ouest, la plage de sable doré de Skarðsvík rompt avec l’idée que l’Islande ne connaît que la cendre : encadrée par des falaises sombres, elle dévoile un littoral inattendu, propice à la contemplation. Ce lieu, méconnu, est aussi un site archéologique où furent retrouvés des vestiges d’une tombe viking, attestant d’une présence humaine très ancienne sur la presqu’île.

Autre bord de mer saisissant : Djúpalónssandur, plage de galets noirs où reposent encore les restes rouillés d’une épave anglaise de pêche. Ici, les visiteurs testent autrefois leur force sur les « pierres de levage » (de 23 à 155 kg), utilisées pour évaluer la capacité des jeunes hommes à embarquer sur les bateaux. Un rituel qui rappelle que la mer, ici, a toujours été une affaire de courage, mais aussi de superstition.

Gastronomie locale : du poisson, oui, mais pas que

La péninsule, quoique modeste en population, recèle quelques surprises gastronomiques. À Stykkishólmur, petite bourgade portuaire intelligente et dynamique, le restaurant Narfeyrarstofa propose une cuisine élaborée à partir de produits locaux : truite arctique fumée, langoustines des fjords, ou soupe de poisson au lait de coco et citronnelle (clin d’œil au multiculturalisme croissant des jeunes chefs islandais).

Dans un registre plus traditionnel, la ferme d’Erpsstaðir, à l’intérieur des terres, produit un skyr artisanal remarquable, proche du yaourt grec mais à la fois plus dense et plus aigre. Les amateurs de douceurs ne manqueront pas leur glace au lait de vache, à la rhubarbe ou aux myrtilles des montagnes.

Durant mon passage au village de Búðir (où se trouve également une église noire emblématique, perdue dans les champs de lave), j’ai échangé avec Jónas, pêcheur retraité reconverti en apiculteur amateur. « Les abeilles islandaises sont rustiques, elles dorment neuf mois par an », plaisantait-il. Son miel, délicat et floral, témoigne du lien qui persiste entre nature et savoir-faire local, même dans les lieux les plus reculés.

Conseils pratiques pour préparer son exploration

  • Prévoyez trois jours minimum pour explorer la péninsule sans courir. Les distances sont faibles, mais les pauses fréquentes tant les paysages attirent l’œil.
  • Un véhicule 4×4 n’est pas indispensable, la route étant majoritairement goudronnée. Mais en hiver, attention aux conditions météo changeantes et au vent.
  • Pour les passionnés de littérature, une halte à Stykkishólmur permet de visiter la bibliothèque Water Library, projet artistique de Roni Horn, où des fioles d’eau du monde entier symbolisent notre lien commun.
  • Les hébergements, souvent modestes mais chaleureux, sont à réserver à l’avance en haute saison. Pensez aux petites guesthouses familiales, occasion d’échanger autour d’un café ou d’un déjeuner simple avec vos hôtes.
  • Le réseau internet est très bon, même dans les coins isolés. Toutefois, laissez de côté le GPS parfois trompeur : une bonne vieille carte papier, fournie dans les offices de tourisme, peut être votre meilleure alliée.
  • Une Islande vivante, entre nature et récits

    Snæfellsnes n’est pas un décor figé pour touristes avides de « paysages à couper le souffle ». C’est un territoire vivant, habité, porteur d’histoires anciennes et contemporaines, où la nature ne se donne pas à voir mais à comprendre. Elle se mérite autant qu’elle se partage, dans le respect de ceux qui y vivent, humains ou géants de pierre.

    Aux voyageurs curieux, la péninsule offre bien plus qu’un panorama glaciaire : une immersion dans une Islande intime où l’imaginaire nordique dialogue avec la géologie, où la mer parle à la montagne, et où, parfois, les voix du passé se glissent dans le vent.