Huahine, l’intemporelle : immersion sur l’île la plus secrète des Îles Sous-le-Vent
À 40 minutes de vol de Tahiti, Huahine se dresse comme une promesse tenue – celle d’une Polynésie préservée, intime, à mille lieues des stéréotypes touristiques. Ici, le temps ralentit vraiment. Loin des grands complexes hôteliers, cette île en forme de huit – composée de Huahine Nui (la grande) et Huahine Iti (la petite) – offre au voyageur une rencontre humaine et culturelle inoubliable. Dans cette terre nourricière au parfum de vanille, tout respire l’authenticité. Mais que faire sur cette île où la nature dialogue avec les traditions anciennes ? Tour d’horizon des activités incontournables, glanées au fil d’un séjour enchanteur ponctué de discussions à l’ombre des fare.
Explorer les marae : les vestiges du mana ancestral
Il n’y a pas de compréhension réelle d’Huahine sans une visite de ses marae, les lieux sacrés polynésiens où se célébraient autrefois les cultes et les rites sociaux. Le plus emblématique d’entre eux, le marae de Maeva, se tient comme un livre d’histoire ouvert au bord du lagon, à quelques kilomètres de Fare, le principal village. Il ne s’agit pas d’un seul marae mais d’un ensemble de plus d’une dizaine de structures entourant le lac Fauna Nui, installé à proximité immédiate d’anciens lieux d’habitation sur pilotis.
Accompagnée de Tania, une guide locale à la passion contagieuse, j’ai appris que chaque marae a une fonction spécifique : de la pêche à l’intronisation des chefs. Ce sont aussi des lieux d’observation astronomique. En marchant pieds nus sur les dalles chauffées par le soleil, j’ai senti cette mémoire encore vibrante, bien au-delà des pierres.
Faire du vélo autour d’Huahine Iti : une boucle entre mer, montagne et villages
Un matin, j’ai enfourché un VTT loué chez une petite échoppe tenue par Manu à Fare, direction Huahine Iti. Une boucle d’une trentaine de kilomètres, accessible avec un minimum de condition physique, idéale pour capter la diversité des paysages et les humeurs de l’île.
Sur cette route côtière, on traverse des plantations de vanille semi-ombragées, des tarodières (cultures de taro en eau, rares en Polynésie), et des hameaux colorés où le coq du matin est un résidant incontournable. Arrêt recommandé à Maroe, pour contempler le pont reliant les deux moitiés de l’île et, plus loin, la baie de Parea, l’une des plus belles du territoire. Dans l’après-midi, ne manquez pas un plongeon à la plage d’Anaeho’o, un croissant de sable blond désert ou presque, accessible directement depuis la route. Personne, si ce n’est un jeune garçon qui pêche les crabes avec une ligne au bambou.
Visiter une ferme perlière : la magie du lagon révélée
Si les perles noires sont l’un des trésors les plus connus de la Polynésie, peu de visiteurs prennent vraiment le temps d’en comprendre la complexité. À Huahine, la ferme perlière de Faie offre une visite didactique et transparente, accessible en pirogue. On découvre le processus minutieux de greffe, la patience nécessaire au développement des nacres, et surtout, la relation symbiotique entre l’homme et le lagon.
La ferme propose également une petite exposition de perles classées selon leurs formes et leurs reflets – pour une fois, l’achat devient presque une adoption, tant chaque perle semble porter une histoire propre. La présence de Teva, un jeune artisan formé auprès de son père, ajoute une dimension intergénérationnelle touchante à la visite.
Observer les anguilles sacrées aux yeux bleus
Voilà une surprise inattendue, presque mystique. Dans le village de Faie, une petite rivière abrite des anguilles géantes aux yeux d’un bleu profond, considérées comme protectrices et sacrées. Nourries à la main par les habitants, elles vivent là depuis des générations, et sont l’objet de nombreuses légendes orales transmises dans les familles huahiniennes.
Le site est libre d’accès, mais par respect, il est recommandé de s’y rendre avec un guide ou d’échanger quelques mots avec les habitants avant d’approcher les anguilles. J’ai eu la chance de faire cette visite avec Vaihere, une habitante octogénaire qui m’a raconté, en langue tahitienne ponctuée de français, comment ces animaux étaient nourris en période de disette. Son récit m’a fait mesurer une fois encore le caractère profondément animiste et respectueux de l’environnement de la culture locale.
S’initier à la cuisine locale dans une pension familiale
Le meilleur moyen de connaître une culture ? Sa cuisine, bien sûr. Et à Huahine, ce sont les pensions de famille qui assurent la transmission des saveurs. Chez Tifaifai à Fare, j’ai pu participer à un atelier improvisé autour du po’e, un dessert à base de banane cuite et de lait de coco. La recette est simple, mais le geste précis, appris de mère en fille.
D’autres spécialités valent le détour : le mahi-mahi cru au lait coco, le taro rôti, ou encore les fameuses brochettes de thon mi-cuites à la papaye verte. Tous les plats dégustés ont un point commun : une fraîcheur irréprochable et un équilibre subtil entre texture et simplicité.
Voguer en pirogue traditionnelle sur le lagon
Le lagon d’Huahine est d’une clarté hypnotisante. Partir en pirogue à balancier, guidé par un rameur local, c’est retrouver le vertige des premiers navigateurs. Plusieurs pensions proposent des sorties au lever ou au coucher du soleil, avec parfois une halte sur un motu désert où l’on vous sert, avec le naturel le plus désarmant, un poisson grillé sur feuilles de bananier.
Le silence est alors roi, brisé seulement par le clapotis de la rame ou le vol d’un fou brun. Cette sensation d’insularité totale, sans vacarme électrique, sans attente numérique, est sans doute l’un des paradoxes les plus précieux de Huahine. Car ici, on ne « visite » pas l’île : on s’y accorde.
Flâner sur le marché de Fare : un concentré de vie communautaire
Chaque matin, le front de mer de Fare se réveille avec la mise en place du marché. On y trouve des fruits locaux – papaye, ananas, corossol – mais aussi des pareos teints à la main, des sculptures en bois de tou, ou encore des poteries artisanales.
J’y ai rencontré Hina, jeune agricultrice venue vendre ses confitures de uru (fruit à pain), qui m’a raconté entre deux clients l’histoire de sa petite exploitation familiale. « Ce que je cultive, c’est aussi ce que mes anciens m’ont transmis », m’a-t-elle soufflé. Ce genre d’échange fait l’âme d’Huahine : une économie à taille humaine, fondée sur la proximité et la fierté du travail bien fait.
Se perdre… et vouloir y rester
Peut-être est-ce là le vrai luxe d’Huahine : la possibilité de se perdre dans ses sentiers, de saluer un voisin qu’on ne connaît pas encore, d’assister à une messe en chant polyphonique dans une église en bois peint, ou simplement de s’asseoir sur un muret face au lagon, sans faire absolument « quelque chose ».
On trouve à Huahine moins d’activités à cocher sur une liste que d’ambiances à absorber, d’histoires à écouter, de regards à croiser. De loin en loin, on comprend que le véritable sens du mot « activité » n’est pas toujours celui que l’on croit : parfois il s’agit juste d’être là, pleinement. Et c’est peut-être ce que cette île, si douce et farouche à la fois, a de plus beau à nous offrir.